Quand l'exposition à un contaminant environnemental perturbe la communication sexuelle chez la souris

L’équipe de Sakina Mhaouty-Kodja1 de l’Institut de Biologie Paris-Seine publie dans Environmental Health Perspectives2 des résultats montrant que l’exposition chronique de souris mâles adultes à de faibles doses de di(2-éthylhexyle) phtalate (DEHP) diminue l’émission des vocalisations ultrasonores par les mâles pendant leur interaction avec des femelles sexuellement réceptives. Les mâles exposés au DEHP sont moins attractifs puisque les femelles préfèrent passer plus de temps à proximité des mâles contrôles. Cette altération de la phase précopulatoire du comportement sexuel retarde l’initiation de l’accouplement.

Le di(2-éthylhexyle) phtalate (DEHP) est un polluant environnemental qui figure dans la liste des Substances Prioritaires dans le domaine de l’eau (Arrêté du 7/09/2015) en raison de sa large utilisation comme plastifiant dans les produits du quotidien. Des études expérimentales ont décrit des effets des expositions prénatale et postnatale à cette molécule sur le développement et le fonctionnement de l’appareil reproducteur mâle chez les rongeurs. Des études épidémiologiques ont également rapporté une association entre les niveaux de métabolites du DEHP et la réduction de la distance ano-génitale chez les garçons. Jusqu’à présent, les effets potentiels de l’exposition à l’âge adulte au DEHP sur le contrôle central des comportements de reproduction à des doses proches de l’exposition environnementale n’ont pas été abordés.

Afin d’identifier les cibles moléculaires de cette exposition, les chercheurs ont comparé le protéome du noyau préoptique de l’hypothalamus, région clé dans la motivation à vocaliser et s’accoupler, entre les individus exposés et contrôles. Les résultats obtenus révèlent que la majorité des protéines différentiellement exprimées entre les deux groupes se retrouve dans un réseau d’interaction avec le récepteur des androgènes. En collaboration avec une équipe CNRS / INRA3, il a été montré que l’expression de ce récepteur est diminuée chez les mâles exposés au DEHP, sans que l’axe gonadotrope ou les niveaux circulants de testostérone soient affectés. Les auteurs concluent que l’exposition au DEHP exerce un effet anti-androgénique au sein du circuit cérébral responsable du comportement sexuel. Ceci entraîne des modifications cellulaires et moléculaires probablement responsables des altérations comportementales observées. L’invalidation génétique de ce récepteur dans le système nerveux altère de façon similaire à l’exposition au DEHP les vocalisations ultrasonores et le comportement sexuel.

Ce travail montre, pour la première fois, le rôle critique du récepteur des androgènes neural dans l’émission des vocalisations de cour et souligne la possibilité que la vulnérabilité de cette voie de signalisation à l’exposition à des perturbateurs endocriniens tels que le DEHP pourrait être préjudiciable pour la communication sexuelle et l’accouplement chez plusieurs espèces. Plusieurs pistes restent encore à explorer, en particulier, le(s) mécanisme(s) d’action emprunté(s) par le DEHP pour diminuer l’expression de l’AR neural. Cette étude s’inscrit dans un domaine de recherche qui représente à l’heure actuelle un énorme enjeu environnemental et sanitaire. Plusieurs défis sont encore à relever en terme de compréhension des effets et des mécanismes des perturbateurs endocriniens, notamment dans les systèmes neuroendocriniens.

Cette étude a fait l’objet d’une alerte presse du CNRS et a été publiée en actualité sur le site web de l’INSB.

1. Equipe Neuroplasticité des Comportements de Reproduction (Neurosciences Paris-Seine, UMR 8246 / INSERM U 1130)

2. Neural mechanisms underlying disruption of courtship behavior by adult exposure to DEHP in male mice. Environmental Health Perspectives, 1er septembre 2017. Dombret C*, Capela D*, Poissenot K, Parmentier C, Bergsten E, Pionneau C, Chardonnet S, Grange-Messent V, Keller K, Franceschini I, Mhaouty-Kodja S. *Equal contribution.

3. Laboratoire Physiologie de la Reproduction et des Comportements (INRA / CNRS / Université François Rabelais de Tours / Institut français du cheval et de l'équitation).