Compartimentation et trafic intracellulaire des mRNP

Dans les cellules eucaryotes, les ARNm cytoplasmiques peuvent être traduits, dégradés ou stockés, selon les facteurs qui leur sont liés. Ces derniers sont impliqués dans des voies de régulation post-transcriptionnelle variées, qui sont essentielles pour de nombreux aspects de la physiologie cellulaire. De façon remarquable, beaucoup de ces facteurs s'accumulent avec leurs ARNm cibles dans des granules ribonucléoprotéiques (RNP) cytoplasmiques dépourvus de membrane: P-bodies, granules de stress, granules germinaux, granules neuronaux, etc. Ces granules sont également appelés condensats car ils se forment par séparation de phases liquides. En dépit de noms, morphologies et compositions qui varient selon les organismes modèles, les types cellulaires et les conditions environnementales, tous ces granules contiennent des ARNm inactifs. Notre objectif principal est de comprendre en quoi les fonctions moléculaire, cellulaire et physiologique de ces condensats de mRNP diffèrent de celles des mêmes mRNP dispersés dans le cytoplasme. Nous voulons déterminer comment s’assemblent ces granules ? Quel est leur contenu en ARN et protéine et la dynamique de ce contenu ? Quelle est leur fonction dans le métabolisme des ARN, et plus largement dans la physiologie cellulaire ?

Nous nous attaquons à ces questions en utilisant une combinaison d'approches expérimentales incluant des techniques de biochimie et d'imagerie cellulaire, ainsi que des analyses protéomiques et transcriptomiques. La plupart de nos études concernent les P-bodies dans les cellules humaines [1].

- Comment s’assemblent-ils ? Nous avons montré que trois protéines sont indispensables pour l’assemblage des P-bodies dans les cellules humaines : l’hélicase à ARN DDX6 et ses partenaires LSM14A et 4E-T [2-5]. Cependant, il n’est pas facile de démonter plus précisément le mécanisme d’assemblage, car la composition des P-bodies est extrêmement complexe (une centaine de protéines et des milliers d’ARN). C’est pourquoi nous utilisons aussi une approche de biologie synthétique, dans laquelle nous étudions des granules artificiels, formés d’un nombre limité et contrôlé de protéines et d’ARN (collaboration avec Zoher Gueroui, ENS Chimie). Nous avons ainsi montré comment l’ARN à la surface des condensats affecte le nombre, la taille et les propriétés physiques de ces derniers [6,7].

- Quel est leur contenu en ARN et protéines ? Quelle est leur fonction dans le métabolisme des ARN ? Nous avons élaboré une méthode pionnière pour purifier les P-bodies, appelée Fluorescence Activated Particle Sorting (FAPS). Elle nous a permis d’identifier les protéines et les ARN des P-bodies par spectrométrie de masse et séquençage haut débit. L'analyse de ces données, combinée à des expériences de profilage de polysome et à des analyses in silico nous a permis de formuler deux conclusions majeures: les P-bodies stockent une large diversité d’ARN, essentiellement codants mais inefficacement traduits, et codant pour des protéines à fonction régulatrice [1,8,9]; le contenu en GC des ARNm est déterminant pour leur localisation dans les P-bodies (les P-bodies ne contiennent que des ARNm riches en AU) et pour les régulations post-transcriptionnelles en général (répression de la traduction, voies de dégradation des ARNm) [10,11]. Ce type d'approche nous ouvre maintenant la possibilité d’étudier la dynamique du contenu des P-bodies dans différentes conditions, différents environnements cellulaires et différents types cellulaires.

- Quelle est leur fonction dans la physiologie cellulaire ? Dans les lignées cellulaires modèles immortalisées, la déplétion de DDX6, qui entraîne l’abolition des P-bodies, n’a pas de conséquence remarquable. Par contre, chez l’homme, des mutations hétérozygotes dans le gène DDX6 sont responsables d’une déficience intellectuelle associée à des défauts de développement. Nous avons montré que ces mutations de DDX6 entraînent un fort défaut de P-bodies dans les cellules des patients, et altèrent la régulation post-transcriptionnelle des ARNm [12,13]. Ces résultats constituent un point d’entrée unique pour comprendre la fonction des P-bodies et/ou de DDX6 au cours du développement.

Flash talk (5min)

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Présentation de poster lors du meeting virtuel CSHL Translational Control

(Sept. 2020)

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Cours (1h30)

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Cours sur le métabolisme cytoplasmique des ARNm pour des étudiants de Master 1

(Fév. 2019)

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1 Standart, N. and Weil, D. (2018) Trends Genet. 34, 612–626

2 Ayache, J. et al. (2015) Mol. Biol. Cell 26, 2579–2595

3 Kamenska, A. et al. (2016) Nucleic Acids Res. 44, 6318–6334

4 Vindry, C. et al. (2017) Cell Rep. 20, 1187–1200

5 Chauderlier, A. et al. (2018) Biochim. Biophys. Acta 1861, 762–772

6 Garcia-Jove Navarro, M. et al. (2019) Nat. Commun. 10, 3230

7 Cochard, A. et al. (2022) Biophys. J. 121, 1675-1690

8 Hubstenberger, A. et al. (2017) Mol. Cell 68, 144-157.e5

9 Courel, M. et al. (2018) Med. Sci. MS 34, 306–308

10 Courel, M. et al. (2019) eLife 8:e49708

11 Vindry, C. et al. (2019) Wiley Interdiscip. Rev. RNA 10(6):e1557

12 Balak, C. et al. (2019) Am. J. Hum. Genet. 105, 509-525

13 Weil et al. (2020) Biochem. Soc. Trans. 48, 1199-1211

Collaborations

  • Edouard Bertrand: IGMM, Montpellier, France
  • Nadège Bondurand: Institut Imagine, Paris, France
  • Daniel Gautheret: I2BC Saclay, France
  • Zoher Gueroui: ENS Paris, France
  • Judith Miné-Hattab: LCQB, IBPS
  • Gérard Pierron: Institut Gustave Roussy, Villejuif, France
  • Amélie Piton: IGBMC, Strasbourg, France
  • Hugues Roest Crollius: ENS Paris, France
  • Nancy Standart: University of Cambridge, UK
  • Izabela Sumara: IGBMC, Strasbourg, France