Nicotine et stress ne font pas bon ménage

Dans une publication parue dans Molecular Psychiatry1, des chercheurs2 de l'Institut de Biologie Paris-Seine (Laboratoire Neuroscience Paris-Seine) et de l'Institut de Pharmacologie Moléculaire & Cellulaire (Sophia Antipolis, Valbonne) ont réussi à prouver qu'une exposition à la nicotine augmente la sensibilité au stress. Une vulnérabilité liée à l'activation d'acteurs moléculaires spécifiques : les récepteurs nicotiniques de type α7.

La forte comorbidité entre tabagisme et trouble de l’humeur résulterait d’un mécanisme de maintenance mutuelle dans lequel chaque pathologie perpétue l'autre. Les mécanismes sous-tendant cette relation restent cependant inconnue. La nicotine, principale molécule addictive du tabac, est une substance psychoactive dont l’exposition répétée altère le fonctionnement de nombreux circuits neuronaux. Il est généralement suggéré que le manque de nicotine produit un stress tandis que fumer détend. Cette croyance n’est cependant pas exacte. Dans cette étude, les chercheurs démontrent que l'exposition à la nicotine, indépendamment des effets de manque, augmente la sensibilité au stress, un facteur de risque majeur dans les troubles de l'humeur.

Pour révéler ces résultats les chercheurs ont évalué l’impact d’un stress chronique chez des souris. Des souris exposées à des agressions répétées par des congénères plus forts et agressifs, montrent en effet des signes d'anxiété et une forte aversion sociale. Celle-ci se traduit par le fait qu’exposées à un congénère inconnu, les souris agressées préfèrent éviter tout contact social. Inversement les souris n’ayant pas subi de stress chronique interagissent fortement avec ce nouveau congénère. Les chercheurs ont constaté deux choses. Les souris exposées à un traitement au MLA, un antagoniste des récepteurs nicotiniques de type α7, ne montrent plus l’évitement social observé après 10 jours d’agressions. Ceci suggère que l’expression des signes d’agressions nécessite les récepteurs nicotiniques. Réciproquement, l’activation de ce récepteur α7 amplifie l’effet du stress. Pour conclure, les chercheurs ont démontré qu’une unique agression est insuffisante pour induire des signes d’aversion sociale. Toutefois si l’on expose cette souris à de la nicotine ou à un modulateur allostérique positif du récepteur α7, les souris développent une aversion sociale après seulement une première agression.

Ces résultats suggèrent donc un lien direct entre stress et système nicotinique qui expliquerait pourquoi les maladies liées au stress constituent un facteur de risque élevé pour la dépendance tabagique. Ils montrent de plus que la nicotine exacerbe les effets d’un stress aigu. La nicotine qui est fournie par la fumée du tabac mais aussi par les cigarettes électroniques, pourrait donc augmenter la vulnérabilité d’un individu à développer des troubles de l'humeur suite à des évènements stressants.

Cette publication a fait l'objet d'un article sur le site web de l'INSB du CNRSet a été reprise sur le site web de France Info3.

1. Nicotinic receptors mediate stress-nicotine detrimental interplay via dopamine cells’ activity. Morel C*, Fernandez SP*, Pantouli F, Meye FJ, Marti F, Tolu S, Parnaudeau S, Marie H, Tronche F, Maskos U, Moretti M, Gotti C, Han MH, Bailey A, Mameli M, Barik J**, Faure P** (2017) Mol Psychiatry

2. Equipe Neurophysiologie et comportement (UMR 8246)

3. Fumer ne réduit pas le stress, au contraire (France TV Info)